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vie spirituelle - Page 29

  • Marc 4. Quatre façons d'être dans la vie.

    Marc 4

    27.9.2009
    Quatre façons d'être dans la vie.

    Mc 4 : 1-9    Mc 8 : 27-30
    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Qui est Jésus ? La question se posait déjà il y a 2'000 ans ! Jésus lui-même pose la question à ses compagnons de route, à son équipe — qu'on appelle les disciples. "Qu'est-ce que le gens disent de moi ?" (Mc 8:27) et "Pour vous, qui suis-je ?" (Mc 8:29). Il y a ce que les autres disent et il y a ce que je pense, au plus profond de moi, au plus profond de chacun.
    Qui est Jésus ? A chacun de faire sa recherche, à trouver sa réponse personnelle, et le catéchisme, comme le temps partagé au culte, sont des lieux où faire cette recherche, ce chemin. Qui est Jésus ? Il y a les titres traditionnels : Messie, Fils de Dieu, Seigneur. Mais ils ne nous disent plus grand chose, parce qu'ils sont déconnectés de notre réalité.
    Il faut chercher des titres nouveaux, qui nous parlent. Selon les personnes ou les circonstances, on pourrait dire : C'est mon guide de montagne ou mon guide du Routard; c'est mon GPS, c'est mon cadeau du ciel… c'est mon kit de survie, c'est mon accompagnant, c'est la musique qui embellit mes journées… A vous de faire preuve d'imagination et de poésie.
    J'aimerais vous proposer de le voir ce matin, avec la parabole, comme le Semeur de vie dans nos existences. Jésus raconte la parabole du Semeur pour nous parler de lui et de notre vie à nous. Comment être heureux dans la vie, comment recevoir ce qui nous arrive dans la vie pour le transformer en bonheur, en réussite, en vie accomplie ?
    Dans cette parabole, Jésus nous présente quatre attitudes face à la vie, face à ce que nous recevons, à ce qui nous arrive. Mais regardons d'abord ce qui est semé, ce qui nous est donné.
    a) Ce qui nous est donné ce sont des graines. Ce qui nous arrive, c'est le germe de quelque chose d'autre. Ce qui nous arrive doit donc être transformé pour s'épanouir. Ce n'est pas le bonheur direct, tout de suite. C'est quelque chose qui contient du bonheur en germe. C'est à nous de le faire germer et pousser, de lui donner la possibilité de se transformer, de grandir et de donner du fruit.
    b) Ensuite, ce qui est donné est donné partout et à tous. Le Semeur sème sur tous les terrains. Le bonheur n'est pas réservé à certains plutôt qu'à d'autres. Le Semeur est généreux, il donne à tous de la même façon, il nous fait confiance, il met de l'espoir en nous, en nos capacités d'accueillir les cadeaux de la vie.
    c)  Finalement, c'est la façon d'accueillir ce qui nous est donné, ce qui nous arrive, qui fait la différence. Jésus nous présente quatre terrains différents, quatre façons d'être dans la vie et de faire son bonheur ou son malheur.
    1. Première image. Le chemin nous donne l'image d'une terre piétinée, tassée, fermée, imperméable. Oui, il arrive que certaines personnes se ferment à la vie, à tout ce qui arrive, s'enferment en elles-mêmes. Les cadeaux de la vie arrivent pour ces gens aussi, mais ils sont trop fermés pour les prendre pour les ouvrir et voir ce qu'il y a dedans. C'est l'attitude : "je ne veux rien entendre, rien savoir." Ou bien "je connais déjà tout cela, cela ne m'intéresse pas." Une bonne façon de passer à côté d'un tas de bonnes choses.
    2. Deuxième image. La terre caillouteuse, empierrée. Il y a de la terre, un peu, et les graines germent, font des pousses, mais pas de racines et elles sèchent. Ces gens-là accueillent les nouveautés avec enthousiasme, "c'est génial… je veux essayer, montre-moi !" Mais si elles n'arrivent pas tout de suite à le faire, si elles rencontrent un obstacle, s'il faut faire des efforts, persévérer, ces personnes abandonnent. "C'est décevant, je n'arrive pas, je suis nul."
    On peut se pourrir la vie à vouloir tout réussir tout de suite et parfaitement. Ou à vouloir tout essayer et ne rien faire jusqu'au bout. Les choses, la vie, a besoin de temps et d'approfondissements, de persévérance et d'efforts. Ce n'est pas drôle, mais c'est comme ça. C'est le terrain pierreux. On s'enflamme et on s'éteint.
    3. Troisième image : les ronces. Jésus parle encore d'un troisième type de personnes, celles qui se laissent envahir par tout ce qui les entoure. Elles reçoivent les cadeaux de la vie, mais il y a toujours quelque chose qui leur fait du souci. "Je suis invité à une fête, chouette. Mais comment est-ce que je vais m'habiller ? Qu'est-ce que les autres vont penser de moi ? Qu'est-ce que je vais leur dire ? C'est l'angoisse, je fais mieux de ne pas y aller."
    Ou alors, on se laisse envahir par les distractions : "pourquoi est-ce que je m'affale devant la télé pour voir ces âneries plutôt que de lire le livre que je me suis acheté ?" Ou alors, une fois qu'on a choisi quelque chose, on regrette immédiatement l'autre truc sur lequel on hésitait et on vit dans le regret.
    4. Bon, jusqu'à maintenant, personne ne s'est reconnu, parce que vous êtes tous comme la bonne terre qui reçoit les graines et qui produisent plein de grain, c'est la quatrième image. Cet idéal auquel nous aspirons tous, mais que nous avons tellement de peine à atteindre.
    Eh bien, Jésus se propose comme guide pour nous conduire à devenir ce terrain accueillant où faire germer et pousser le bonheur. Jésus sème de la vie dans nos existences et veut nous apprendre à devenir les jardiniers de nos vies, apprendre à bêcher, biner, sarcler la terre, à ôter les pierres et arracher les mauvaises herbes pour faire de la place à l'essentiel, à une vie qui porte du fruit.
    Le catéchisme, la lecture de la Bible, la prière personnelle, le culte sont des temps de découverte et de rencontre avec Jésus. Dans son enseignement, sa Parole, il nous donne le mode d'emploi de la vie. Il a envie que nous soyons heureux, que nous ayons une vie épanouie, des relations enrichissantes les uns avec les autres. Préparons-nous, préparons notre terrain à le recevoir, pour que notre vie fleurisse et porte du fruit en abondance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 2. Moïse (2) Moïse découvre ses origines.

    Exode 2

    13.9.2009
    Moïse (2) Moïse découvre ses origines.
    Exode 2 : 11-22    Mt 5 : 21-26

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la naissance de Moïse et son adoption par la fille du pharaon nous indiquait une séquence de vie : origine misérable -> présent princier -> avenir ouvert. Dans l'épisode de la vie de Moïse que nous venons d'entendre, nous allons continuer d'observer comment Moïse grandit et développe son humanité.
    Moïse a donc grandi dans les palais des pharaons. Il a reçu une éducation princière égyptienne, mais il éprouve la soif de connaître sa vraie origine. Comme le dit notre récit : "Un jour, Moïse devenu adulte, alla voir ses frères hébreux" (Ex 2:11). Ce qu'il voit alors le révolte. Il voit deux choses, nous dit le texte : il voit la situation générale, les corvées auxquelles son peuple est astreint et il voit une situation précise où un égyptien, un gardien, frappe un hébreu.
    C'est une révélation pour Moïse, assez semblable à celle de Bouddha Gautama ! Les deux ont été "élevés dans du coton" à l'abri de la souffrance, dans des palais princiers. Moïse est atterré par la découverte de la misère de son peuple — le peuple dont il est issu — et son sang ne fait qu'un tour lorsqu'il voit l'un des siens se faire bastonner. Il tue l'égyptien. [J'ai beaucoup hésité à prêcher sur ce texte, que dire à propos d'un meurtre et que penser du fait que le fondateur du judaïsme, et reconnu par le christianisme, est dès l'origine un meurtrier ?]
    Cette violence de Moïse nous dit deux choses sur l'être humain. Le premier réflexe, lors de la découverte d'un comportement révoltant (la bastonnade), c'est de faire cesser l'action par tous les moyens, par n'importe quel moyen. Et la violence est le premier moyen à disposition, le premier qui vient à l'esprit. La seconde chose que cela nous enseigne, c'est que Moïse utilise-là la culture qu'il a reçue à la cour de pharaon. N'était-ce pas pharaon qui — confronté à la croissance de la population des hébreux — a ordonné de tuer tous les nouveaux-nés mâles ?
    Moïse a grandi dans une culture de la violence, dans une culture qui dit que la violence est une solution possible à tous les problèmes. Moïse utilise donc ce que sa culture, celle de la haute société égyptienne de l'époque, préconisait.
    Et l'on voit que cet acte de violence va déployer sa spirale et son effet boomerang dans le récit. "Veux-tu me tuer comme tu as tué l'égyptien ?" (Ex 2:14) va rétorquer quelqu'un. Et plus tard, le pharaon "va chercher à faire mourir Moïse" (Ex 2:15). Aujourd'hui encore nous voyons les effets d'une culture de la violence — violence économique ou sociale surtout — qui conduit des individus à plonger dans la violence physique.
    Moïse doit fuir, s'exiler, après avoir fait l'apprentissage des conséquences de la mise en pratique de la culture de sa jeunesse. Moïse a donc découvert ses origines, sa culture de naissance — la maltraitance subie — et sa culture d'éducation — la maltraitance commise.
    C'est avec ce bagage — ce lourd bagage — que Moïse s'exile dans le désert, dans la péninsule du Sinaï, le désert de Madian, avec pour nécessité de réapprendre à vivre. Qui pourrait vivre en ayant à choisir entre une culture de victime ou une culture de bourreau ?
    Moïse doit trouver une troisième voie, sa voie propre. Chacun de nous, en sortant de l'adolescence et en entrant dans la vie d'adulte doit réviser son héritage, choisir ce qu'il garde de ce qu'il a reçu et choisir ce qu'il jette de ce qu'on lui a imposé, et finalement compléter sa panoplie avec du neuf. C'est un nouvel apprentissage qui peut durer de nombreuses années de notre vie d'adulte. Beaucoup en font l'expérience.
    Dans le désert de Madian, Moïse découvre une troisième culture, celle du désert, celle des nomades, la vie sous la tente, la vie autour du puits (qui ne va pas sans violence), la lutte pour la survie, mais aussi l'hospitalité, l'humanité de ceux qui n'ont presque rien mais qui le partagent.
    La culture du désert nous est étrangère, mais nous pouvons faire un parallèle avec la culture du montagnard des Alpes. Nous avons tous entendu un guide de montagne parler du respect devant la montagne. Comme humains, nous ne sommes rien face à la montagne et sa grandeur. Elle appelle le respect, ce doit être la même chose dans le désert.
    On prend un soin particulier de la vie, des sources de vie, des relations. On apprend que notre vie dépend des autres comme la leur peut dépendre de nous. Avec l'hospitalité se développe la fraternité, la loyauté, la solidarité, l'entraide.
    Dans cet environnement, Moïse apprend et choisit son camp : on nous montre qu'il prend la défense des filles de Jéthro contre des bergers qui les importunent, qui usent de la violence comme d'un passe-droit pour utiliser le puits. Moïse apprend le service, il fait l'apprentissage de l'humanisation.
    Le chemin de tout être humain arrivé à l'âge adulte est d'humaniser ses forces, ses pulsions, pour les mettre au service d'une cause. Le chemin de toute société est de mettre en place des institutions qui humanisent sa culture, de manière à ce que la violence diminue, le respect augmente et que chacun — jusqu'au plus petit — ait une place digne.
    Moïse réalisera un bout de ce chemin à travers son travail de législateur. Jésus le parachèvera en nous donnant le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) et surtout en enseignant, en paroles et en actes, le renoncement à toute violence pour faire place à l'amour des uns pour les autres.
    Nos sociétés, hélas, sont encore loin d'avoir intégré cet amour, ce respect, cette non-violence à sa culture. Il semblerait même qu'on s'en éloigne par moment. C'est pourquoi le travail de chacun et de l'Eglise pour annoncer l'évangile est plus nécessaire que jamais. La prédication de l'Evangile n'est rien d'autre que cet appel de Dieu à l'humanisation de nos personnes et de nos sociétés pour que chacun puisse vivre en paix et en bonne harmonie avec tous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 2. Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.

    Exode 2

    6.9.2009
    Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.
    Ex 2 : 1-10    Jér 29 : 10-14

    Je pense que vous connaissez tous le conte du "vilain petit canard" :
    « Quand le vilain petit canard est né, il ne ressemblait pas à ses frères et soeurs de couvée. Rejeté de tous, à cause de ce physique différent, il est contraint de quitter « sa famille » et de partir, loin, pour ne plus subir leurs moqueries et leurs coups. Sur son chemin, ceux qu'il rencontre ne l'acceptent pas vraiment non plus. Un jour, cependant, ébloui par la beauté des cygnes, le vilain petit canard décide d'aller vers eux. Les cygnes ne le chassent pas et bien au contraire l'accueillent comme l'un des leurs. Et pour cause... Le vilain petit canard a grandi et s'est métamorphosé en un magnifique cygne blanc...*»
    Il y a d'autres contes sur ce modèle, où l'enfant élevé dans une pauvre chaumière découvre qu'il est prince, fils de roi, et finit par regagner son château et mener une vie de prince.
    Ces contes sont utiles pour les enfants qui traversent une enfance difficile, où ils se sentent rejetés, méprisés. Ils peuvent ainsi garder, enfouie au fond d'eux-mêmes, leur estime de soi et devenir un jour, enfin, ce qu'ils étaient dès le commencement. Ce genre de contes est construit sur la séquence :
    origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    L'histoire de Moïse, de sa naissance et de son enfance est construite sur une autre séquence, une séquence utile à notre devenir d'adulte. En tant qu'adultes, nous ne pouvons pas vivre sur la séquence du vilain petit canard. Comment croire, à 30, 50 ou 70 ans, que nous allons enfin nous révéler être autre chose que ce que nous sommes ? Nous ne pouvons pas passer notre vie à faire le gros dos — en attendant un bonheur futur. En rester là, ce serait accepter d'être malheureux jusqu'à la fin de nos jours.
    La jeunesse de Moïse nous offre un autre modèle, plus proche de notre réalité — puisque nous avons dû accepter la réalité d'une naissance tout ce qu'il y a de plus modeste. Moïse naît d'un couple ordinaire et anonyme, tout ce qu'on sait, c'est qu'il est issu de la tribu de Lévi. La période historique est plus que troublée, puisqu'il y a une persécution contre les hébreux qui se trouvent en Egypte. Le Pharaon a décidé d'un génocide sur tous les enfants mâles. Vous remarquerez en passant l'écho que donne l'Evangile de Matthieu lorsqu'il décrit le massacre des bébés ordonné par Hérode (Mt 2:16).
    Donc Moïse naît, mais sa vie est menacée. Il devrait mourir et s'il vit, il devrait être esclave. On ne peut pas naître dans de pires conditions. C'est a priori un bébé sans avenir. C'est sans compter sur la famille, la mère et la sœur qui vont tout faire pour qu'il vive : la corbeille, le choix du lieu le long du Nil, la veille attentive de la sœur, la rencontre avec la fille de Pharaon, l'organisation de l'allaitement, etc…
    Et voilà que Moïse, une fois sevré est élevé à la cour du Pharaon, tout hébreu qu'il est. Paradoxe, retournement, il est élevé comme un prince, il a tout un avenir ouvert devant lui. La séquence indiquée par la jeunesse de Moïse est donc : passé d'esclave —> présent de prince —> avenir ouvert. C'est bien différent de la séquence du vilain petit canard : origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    Dans la "séquence Moïse", on peut y vivre, on peut y rester tout en avançant, puis que le malheur est déjà derrière soi. Cela ne signifie pas qu'aucun malheur ne peut plus survenir — la vie de Moïse se révélera pleine de hauts et de bas — cela signifie que le malheur a déjà été traversé et que cette traversée, qui ne nous a pas anéanti, nous arme pour traverser les épreuves à venir.
    Il faut clarifier ce qu'on doit comprendre par "présent de prince." Je n'entends pas cela comme un train de vie princier, vautré dans le luxe et les plaisirs. Je l'entends comme la reconnaissance que nos choix de vie sont entre nos mains, que nous pouvons prendre la direction de notre vie, faire des choix et voir comment nous recevons les événements de la vie. C'est le contraire de subir.
    Cette façon de vivre le présent n'est possible que si on le considère comme habité par Dieu, même de façon cachée. Dans le récit de la naissance de Moïse, Dieu n'est pas mentionné. Mais est-il absent ?
    Dieu est présent dans la volonté de résistance de cette mère. Dieu est présent dans ce plan, dans les gestes des unes et des autres, même dans les gestes de la fille de Pharaon, l'ennemi des hébreux. Il y a une confession de foi permanente dans le livre de l'Exode : tout est entre les mains de Dieu.
    Le peuple hébreu est mystérieusement protégé. Le peuple hébreu va être guidé, sauvé. Même Pharaon n'échappe pas à cette emprise du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Même son endurcissement est dirigé par Dieu, jusqu'au moment où il craque.
    Il n'y a de "présent de prince" qu'avec la confiance que tout est entre les mains de Dieu, qu'il nous conduit, qu'il nous accompagne, qu'il nous soutient dans chacun de nos pas, au travers de chacune des épreuves de notre vie.
    Au travers de cette sorte de main mise de Dieu sur Pharaon, le récit nous dit que si Dieu n'abolit pas le mal, il le contient, il le limite, il y met des bornes. Nous pouvons donc regarder notre présent et y trouver toujours à nouveau des signes de sa présence, des sujets de reconnaissance. 
    Si le conte du vilain petit canard est utile pour les enfants, l'exemple de la jeunesse de Moïse est plus utile pour nous adultes. Sa naissance est comme un résumé du projet de Dieu pour son peuple et pour nous : à partir d'une situation de malheur — où nous sommes en sursis — Dieu veut nous donner un présent et un avenir.
    Comme Dieu va sortir le peuple hébreu d'Egypte, Dieu veut nous sortir de notre malheur. Comme Dieu va donner sa loi au peuple hébreu comme charte de liberté, Dieu veut nous rendre libre pour que nous puissions faire nos choix et qu'un avenir soit ouvert devant nous. Dieu ouvre un avenir devant nous (Jér 29:11), faisons-lui confiance.
    Amen
    * http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Vilain_Petit_Canard
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Ephésiens 1. Série Calvin (5). Une Eglise pour nourrir les croyants.

    Ephésiens 1

    30.8.2009
    Série Calvin (5). Une Eglise pour nourrir les croyants.
    Eph 1 : 18-23    Mt 13 : 24-30

    "L'Eglise est le corps du Christ, c'est en elle que le Christ est pleinement présent, lui qui remplit tout l'univers" nous rappelle la lettre aux Ephésiens (Eph 1:23). Lorsque nous regardons l'Eglise, les Eglises, dans le monde ou chez nous, peut-on s'empêcher de se demander si nous atteignons cet idéal ? Est-il si évident que "le Christ est pleinement présent" dans l'Eglise ?
    Cette question ne tient pas à notre époque uniquement. Calvin y était déjà confronté et cherchait dejà une réponse : où se trouve l'Eglise de Jésus-Christ ? Déjà il se demandait comment penser l'Eglise entre ce qu'on en voit et ce qu'on en espère, entre ce qu'on en voit et ce que l'Ecriture nous en dit, entre sa réalisation actuelle et les promesses qui reposent sur elle.
    En premier lieu, Calvin va proposer de faire une différence entre l'Eglise visible et l'Eglise invisible. L'Eglise visible, c'est celle que nous voyons. L'Eglise invisible, c'est celle que Dieu voit, mais qui nous échappe.
    L'Eglise invisible, c'est l'Eglise au-delà du temps et de l'espace, qui rassemble ceux que Dieu a choisis. C'est la "communion des saints" du Credo. Cette Eglise est connue de Dieu seul.
    L'Eglise visible, c'est celle que nous découvrons dans les communautés locales, dans les circonstances historiques, faite d'hommes et de femmes aussi imparfaits qu'aspirants à recevoir l'amour de Dieu. C'est la communauté des pécheurs et la communauté des appelés. Personne ne peut s'y arroger le droit d'y désigner le bon grain ou l'ivraie. "Il appartient à Dieu seul de connaître ceux qui sont les siens" dit Calvin (IRC* IV, 1,8).
    Bien sûr, cette Eglise visible n'a rien de commun avec la gloire de l'Eglise invisible, mais Calvin nous recommande de ne point la mépriser : c'est la seule Eglise que nous connaissons, c'est pour elle que le Christ est mort et c'est elle qu'il cherche à sauver.
    Ensuite Calvin explique que l'Eglise fait partie des "aides extérieures" que Dieu a voulu pour venir "soutenir notre faiblesse" (IRC IV, 1,1). L'Eglise est le moyen que Dieu a mis en place pour que nous puissions grandir dans la foi. Calvin précise : "Nous voyons que Dieu, bien qu'il puisse élever en un moment les siens à la perfection, les veut néanmoins faire croître petit à petit sous la nourriture de l'Eglise." (IRC IV,1,5).
    L'Eglise a deux moyens à sa disposition pour nourrir les fidèles, ce sont la prédication de l'Evangile et les sacrements du baptême et de la cène. Prédication et sacrements sont les signes de la véritable Eglise. Je cite le Réformateur : "Partout où nous voyons la Parole de Dieu être purement prêchée et écoutée, les sacrements être administrés selon l'institution du Christ, là il ne faut nullement douter qu'il y ait Eglise." (IRC IV, 1,9).
    Calvin peut assurer qu'il y a une véritable Eglise s'il y a prédication de la Parole de Dieu et administration des sacrements, parce qu'il est convaincu que le saint-Esprit est présent dans l'Ecriture sainte et que l'écoute de la Parole de Dieu porte des fruits indépendamment des personnes qui prêchent ou administrent les sacrements. Calvin fait ici toute la place à l'œuvre de Dieu. C'est lui qui ouvre les cœurs, c'est lui qui convertit, c'est lui qui sanctifie.

    Mais si Dieu fait tout, à quoi sert l'Eglise ? Eh bien, Calvin souligne que Dieu a choisit de travailler par l'intermédiaire de son Eglise et des humains. Il ne faut donc pas mépriser l'Eglise visible et les moyens pratiques à mettre en œuvre. C'est pourquoi Calvin mettra beaucoup d'énergie à organiser l'Eglise de Genève.
    L'Eglise a un rôle de mère pour le croyant, et pour dire cela, Calvin a des phrases que l'Eglise catholique ne renierait pas ! "L'Eglise est la mère de tous ceux dont Dieu est le Père" (IRC IV, 1,1). "Hors le giron de cette Eglise, on ne peut espérer la rémission des péchés ni aucun salut" (IRC IV, 1,4).
    La nouveauté de Calvin, je crois, c'est de définir l'Eglise par sa colonne vertébrale et pas par ses frontières extérieures. En faisant la différence entre Eglise visible et invisible, Calvin anéantit toute idée de pouvoir définir qui est dans ou hors l'Eglise, qui est élu ou non élu. Calvin nous dit, en quelque sorte, que l'important c'est de se diriger vers le centre, vers l'essentiel — qui est le Christ — peu importe le chemin ou la distance qu'il reste à parcourir.
    Chacun doit avancer sur son chemin et l'Eglise lui offre des possibilités de sanctification, d'édification à travers la prédication et les sacrements. Reste qu'avec cela, l'Eglise demeure imparfaite et même, parfois, un mauvais exemple. Calvin accepte cela, tout en le regrettant. Mais il met en garde ceux qui voudraient une Eglise de purs, de gens moralement ou doctrinalement irréprochables. L'Eglise est là pour notre sanctification, mais elle ne repose pas sur la sainteté de ses membres.
    Calvin est  très attentif à l'unité de la communauté, il ne faut ni exclure, ni s'exclure soi-même, parce que le jugement des cœurs n'appartient qu'à Dieu. L'Eglise ne doit donc pas devenir un lieu de jugement, mais rester un lieu où l'on vient se nourrir, se fortifier, trouver du courage.
    L'Eglise est une communauté humaine, d'entraide, parce qu'elle est pleinement habitée par la présence du Christ.
    Amen

    * IRC VI, 1, 8 = Jean Calvin, Institution de la Religion Chrétienne, livre IV, chap. 1, § 8.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • 1 Corinthiens 11. Série Calvin (4). Petit traité de la sainte cène.

    1 Corinthiens 11

    26.7.2009
    Série Calvin (4). Petit traité de la sainte cène.
    1 Co 11 : 23-26    Jn 6 : 44-51

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre cheminement avec Jean Calvin, nous faisons aujourd'hui une halte pour recevoir de Dieu notre nourriture. Nous allons voir ce que le Réformateur nous dit de la sainte Cène. Calvin a rassemblé sa pensée sur la Cène dans un petit opuscule intitulé "Petit traité de la sainte cène."
    La première moitié du Traité expose sa vision de la Cène et la seconde moitié les erreurs propagées de son temps. La visée de Calvin est de redonner à la Cène le sens que les Evangiles nous rapportent, de lui restituer son sens originel. Nous resterons donc dans la première partie de ce Traité.
    Le souci de Calvin est de redonner à tous les chrétiens un accès à Jésus-Christ, et il voit dans la Cène une porte d'entrée par excellence, puisque la Cène — comme repas — est une image immédiatement compréhensible. C'est ainsi qu'il commence son Traité en développant l'image d'un Dieu qui nous accueille en sa maison — à travers le baptême — il nous accueille non comme des "domestiques," mais "comme ses propres enfants" et donc : "il reste, pour faire l'office d'un bon père, qu'il nous nourrisse et pourvoie de tout ce qui nous est nécessaire pour vivre." (PTSC* p. 39)
    Dans la Cène, Dieu nous donne ce qu'il nous faut pour vivre. En disant cela, on voit que la relation à Dieu n'est pas une idée philosophique, ou la croyance en quelque dogme. Cette relation est quelque chose qui doit nourrir notre vie, nous fortifier, nous aider à traverser les épreuves.
    La Cène nous donne accès à Jésus-Christ, à sa vie, à sa passion, à sa résurrection. Cet accès est le premier fruit de la Cène. Elle nous donne la possibilité de nous nourrir de lui. Calvin dit : "nos âmes n'ont nulle autre pâture que Jésus-Christ" (p.40). Par la Parole et par la Cène, nous avons accès à cette présence nourrissante, restauratrice de Jésus-Christ. Dans la Cène, nous recevons "les promesses" de Dieu, nous reconnaissons "sa grande bonté" (sa Providence) et nous sommes exhortés "à l'union et à la charité fraternelle" (p.41). 
    Voilà évoqués les fruits, les conséquences de la participation à la Cène. Elle nous fait entrer dans le mystère de la Passion du Christ, où il se donne lui-même pour nous faire vivre. Cela nous l'apprenons par l'Evangile, par la Parole. La Parole aurait peut-être suffi pour nous faire comprendre cette association, cette communion que nous avons avec le Christ, mais Calvin souligne notre faiblesse comme êtres humains. Nous avons besoin de "signes visibles" des choses invisibles. La Cène — en tant que sacrement — est justement le "signe visible" (p.47) qui nous est donné pour nous affermir et nous fortifier.
    Le signe visible, avec du pain et du vin matériels, agit de deux façons. Premièrement, nous avons besoin de concret pour communier pleinement avec le Christ. Pour profiter pleinement, dit Calvin, de "toutes les grâces qu'il (Jésus-Christ) nous a acquises par sa mort, il n'est pas seulement question que nous soyons participants de son Esprit, mais il nous faut aussi participer à son humanité." (p.46).
    Pour être en lien avec le Christ, nous devons communier autant à sa nature spirituelle qu'à sa nature humaine. Et la Cène nous aide à cela, en nous donnant à toucher son humanité dans les signes concrets du pain et du vin.
    Mais Calvin ajoute aussitôt le deuxième aspect, qui nous concerne. Le mystère de cette communion "est un mystère spirituel qui ne peut se voir à l'œil" (= par le regard) (p.47). Alors, pour nous y aider, Dieu nous donne un signe visible, un élément concret : du pain et du vin pour représenter ce don de présence et de vie.
    Ce que Calvin essaie de nous dire, c'est que Dieu veut nous toucher tout entier, nous aussi. La présence de Dieu ne concerne pas que notre esprit ou notre mental, il est présence dans notre vie entière, âme, corps, esprit, émotions. L'humanité de Jésus rejoint profondément notre propre humanité, c'est le deuxième fruit de la Cène pour le Réformateur. L'amour de Dieu rejoint nos existences concrètes. Participer à la communion, c'est se laisser rejoindre par l'humanité de Dieu, dans ce qu'il y a de plus humain en nous.
    Le troisième fruit de la participation à la Cène est le cheminement que Dieu ouvre en nous. Reconnaître que Dieu nous nourrit, qu'il prend soin de nous, c'est reconnaître sa bonté, son attention. Calvin nous dit que la Cène provoque en nous un travail intérieur — ce que j'appelle un "cheminement." Dans les mots de Calvin cela donne ceci : "le principal est que Dieu besogne en nous intérieurement par son Saint-Esprit (…) par lequel il veut faire son œuvre en nous." (p.50). Cette œuvre, c'est nous stimuler "à vivre saintement et surtout à garder la charité et l'amour fraternel entre nous." (p.51).
    A partir de là, comment et quand prendre la Cène ? Calvin insiste pour que nous prenions la Cène au sérieux — donc en s'examinant, comme le recommande l'apôtre Paul — mais sans excès, car celui qui se priverait de la cène sous prétexte de son imperfection "c'est comme si un homme s'excusait de ne point prendre de remèdes parce qu'il est malade !" (p.56).
    La Cène est une nourriture pour notre foi et notre vie, donc, pense le Réformateur "l'usage doit en être plus fréquent que beaucoup ne l'ont." (p.56). Oui, Calvin nous invite à avancer vers la Table du Seigneur avec confiance et avec le désir de communier avec Jésus-Christ pour nourrir notre vie de foi.
    Participons donc au repas du Seigneur, pour que le saint Esprit puisse besogner en nous et nous faire cheminer dans la présence du Christ.
    Amen
    * PTSC = Jean Calvin, Petit traité de la sainte cène, Lyon, Ed. Olivétan, 2008.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 11. Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.

    Romains 11

    19.7.2009
    Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.
    Rm 11 : 17-24    Rm 11 : 28-32

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L'apôtre Paul est un homme partagé. Il a reçu l'éducation d'un pharisien, à Jérusalem, auprès du rabbi Gamaliel (Ac 22:3). Comme juif perfectionniste, il a persécuté les premiers chrétiens, puis s'est converti suite à une apparition du Christ sur le chemin de Damas. Il est devenu apôtre et apôtre des païens. Il n'en reste pas moins juif et il s'est beaucoup interrogé sur le sort de ses anciens coreligionnaires. Que vont devenir ceux qui refusent Jésus ?
    Paul consacre trois chapitres (Rm 9—11) de sa lettre aux Romains à ce problème. Paul est partagé, déchiré dans son âme, dans son cœur. Il prêche le salut par Jésus-Christ, offert à toute l'humanité et les païens reçoivent ce message mieux que ceux que Dieu a préparé et mis à part pendant des siècles ! Quelle place pour les juifs dans le plan de Dieu après Jésus-Christ ?
    Paul utilise d'abord la métaphore, l'image de l'olivier. Les juifs sont la racine et les branches cultivées de l'olivier. Certaines branches ont été coupées (ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ) et quelques nouvelles branches — de l'olivier sauvage — ont été greffées sur la racine. Cela donne des indications sur les relations que la greffe doit entretenir avec la racine qui la porte : ni mépris pour la racine, ni orgueil pour soi-même.
    Ensuite, l'apôtre crée une perspective historique. Le refus du Christ par les juifs a ouvert la porte de l'Eglise aux païens. C'est intéressant : Paul se rend compte que si l'ensemble des juifs avaient intégré Jésus dans leur pratique religieuse, cela aurait certes transformé le judaïsme (on aurait eu un judaïsme messianique), mais pas le monde. Les païens doivent donc leur salut au refus des juifs (Rm 11:28), sans que cela signifie que l'alliance de Dieu avec les juifs soit abolie (Rm 11:29). On voit que la position de Paul est bien balancée et conduit à une acceptation mutuelle et à un dialogue possible.
    Malheureusement, dans l'histoire et au cours des siècles, cela ne s'est pas passé ainsi ! Déjà au fil du temps, dans le Nouveau Testament, on sent un durcissement contre le judaïsme, de frères, ils deviennent frères ennemis. Cela se sent déjà dans les Evangiles et les Actes des Apôtres.
    Cela va continuer à empirer dans l'Eglise sous deux formes : la volonté de conversion des juifs au christianisme et l'antijudaïsme qui va jusqu'à la persécution. L'antijudaïsme se développe par une lecture déformée du récit de la Passion qui fait porter la responsabilité de la mort de Jésus quasi exclusivement sur les autorités juives — l'Eglise devenue romaine innocente les Romains du texte — et par extension sur tous les juifs, comme si la mort de Jésus était un accident de l'histoire : il était au mauvais endroit au mauvais moment, s'il avait été chez nous, cela ne serait pas arrivé ! On a quitté la dimension théologique qui dit que tous les humains ont renié le Christ et crié "Crucifie" à Pilate, pour une vision circonstancielle et locale qui dit : "Les coupables ce sont eux."
    Calvin naît le 10 juillet 1509, une époque marquée par la "reconquête catholique." Rappelez-vous : 17 ans avant la naissance du réformateur (1492) l'Espagne catholique avait expulsé tous les juifs, les sépharades, d'Espagne pour que l'Espagne soit uniquement et uniformément catholique.
    Quelle va être la position de Calvin dans ce contexte historique ? Quelle va être sa lecture de la Bible et de ces passages de Paul ? D'abord Calvin a étudié l'hébreu pour lire couramment l'Ancien Testament. Dans cette étude, il a été en contact avec des rabbins. Ensuite, Calvin a étudié le droit, pas la théologie catholique, à l'université. Sa théologie, il se l'est forgée en lisant les Ecritures. Et la Bible n'est pas antijuive, ni l'Ancien Testament, ni le Nouveau Testament.
    Calvin a saisi toute la valeur de l'Ancien Testament pour les chrétiens et le rôle du peuple juif dans la réception de la révélation du message divin. Sans les juifs, il n'y a pas de chrétiens. Je cite Calvin : "Ils [les juifs] étaient séparés pour un temps des autres peuples à cette condition que finalement pure connaissance de Dieu découlerait d'eux par tout le monde." (CNT* Jn 4:22, vol. II p. 78-79).
    Pour le réformateur de Genève, ce rôle du peuple juif n'est pas terminé. La première alliance et toujours valable. En bon juriste, Calvin réaffirme la validité de cette alliance : "Dieu n'a point mis en oubli l'alliance qu'il a contractée avec leurs Pères, et par laquelle il a témoigné, qu'en son conseil éternel, il avait embrassée de son amour cette nation. Ce qu'il [Paul] confirme par une fort belle sentence (Rm 11:28), disant que cette grâce de la vocation de Dieu ne peut être anéantie." (CNT, Rm 11:28, vol. III, p. 208). L'alliance avec les peuple juif est irrévocable !
    Ce qui peut arriver, c'est que certains se privent des bienfaits de cette alliance et c'est là que Calvin introduit ce que j'appellerai son "jeu de bascule," qu'il trouve déjà chez saint Paul. En effet, Calvin relève, comme l'apôtre, le risque que les chrétiens s'enorgueillissent d'être les nouveaux bénéficiaires des bontés de Dieu, contre les juifs qui s'en sont privés. Ce "jeu de bascule" c'est que dès que nous nous enorgueillissons de la grâce, nous la perdons, parce qu'elle n'est pas notre possession mais un cadeau, une grâce.
    Personne ne peut se prévaloir d'une situation, d'un état, pour juger les autres et les penser déchus. Celui qui pense cela tombe, il perd l'estime de Dieu, et devient le déchu qu'il méprisait. Calvin plaide pour l'égalité entre juifs et païens: "Si donc on fait comparaison de ces deux nations, à savoir des Juifs et des Gentils, on les trouvera égaux, en ce que d'un côté et d'autre, ils sont enfants d'Adam" (CNT Rm 11:16,vol. III, p. 202). Enfant d'Adam signifie autant pécheurs les uns que les autres.
    À tout moment, Calvin dit entre les lignes au lecteur : le peuple juif est ton reflet, ton miroir, tu as autant de risques de quitter la foi si tu te crois meilleur, tu ne peux te reposer que sur la grâce de Dieu, pas sur tes mérites. Notre histoire chrétienne peut se retourner comme la leur si l'Eglise ne remplit plus son office d'annoncer le pur évangile. D'où la nécessité, pour le réformateur, de prêcher, d'enseigner, d'ouvrir des écoles pour que l'évangile soit entendu, connu et que les Ecritures soient lues.
    Quelle portée cela a-t-il pour nous aujourd'hui ? Une première conséquence que nous devrions tirer, c'est de ne pas mépriser la lecture de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament a une valeur pédagogique, exemplaire, même si nous n'avons plus à obéir à chaque précepte de la Loi et suivre ses cérémonies. L'Ancien Testament est une source d'inspiration théologique, psychologique et morale.
    Ensuite, l'enseignement de Calvin nous ouvre à la tolérance et à la modestie par rapport à ceux qui croient différemment. Ne jugeons pas, nous risquons de basculer dans ce que nous reprochons aux autres. Seul Dieu détient le jugement des cœurs. Enfin, gardons-nous de tout antisémitisme. Les juifs sont la racine qui nous porte, nous sommes toujours le greffon sauvage.
    Nous pouvons être fier de cet héritage calvinien. Il a fait ses preuves pendant la pire période du XXe siècle. Il a donné à la Suisse, à la France et à l'Allemagne, des gens comme Roland de Pury, André Trocmé et Dietrich Bonhoeffer qui ont résisté au nazisme pendant la Seconde guerre mondiale.
    Dans notre époque de montée des tensions entre les religions, nous avons-là un bel héritage que nous devons cultiver, adapter et ouvrir aux situations nouvelles et transmettre aux plus jeunes générations.
    Amen

    * CNT = Commentaire du Nouveau Testament de Jean Calvin. Voir au lieu de la citation biblique.
    Cette prédication doit beaucoup à l'article de Vincent Schmid : Calvin et les juifs, Bulletin du Centre Protestant d'Etudes, CPE 60(8):21-35, Décembre 2008.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !

    Romains 8

    12.7.2009
    Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !
    Rm 8 : 1-4 Mc 10 : 13-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Dans notre série sur Jean Calvin de cet été, nous avons vu dimanche passé que Dieu nous aime d'un amour inconditionnel, c'est-à-dire que son amour pour nous ne dépend pas de nos résultats, de nos succès, de notre attitude, de la même manière que nous essayons, comme parents, de manifester à nos enfants un amour qui ne dépende pas de leurs notes ou de leurs comportements.
    On appelle cela en langage technique théologique "la justification par grâce." Le salut ne dépend pas de nos mérites, de nos bonnes actions, mais de la décision de Dieu, une décision qu'il prend dans son cœur, dans son amour. Cela a une conséquence pratique directe, c'est que nous pouvons cesser de nous inquiéter, cesser de vouloir nous justifier nous-mêmes, cesser de mettre notre énergie à paraître justes et bons chaque fois que nous ne le sommes pas en réalité.
    Si nous n'avons plus besoin de mettre notre énergie à paraître autre chose que ce que nous sommes, alors cette énergie devient disponible pour autre chose. Le mérite de la justification par grâce, la conséquence de cet amour inconditionnel de Dieu pour nous, est de nous libérer de la quête continuelle de plaire, de satisfaire, d'être à la hauteur.
    Calvin dit, continuellement, que vouloir plaire à Dieu est voué à l'échec. Jamais nous ne pouvons être à la hauteur de son exigence de justice et de vérité. L'exigence de Dieu ou de la Loi divine est inatteignable. C'est voué à l'échec, mais ce n'est pas désespéré, puisque Dieu lui-même a choisi de changer les choses. Jésus a accompli la Loi pour tous les humains (Rm 8 : 3) et il a libéré de l'esclavage de cette exigence. Jésus a accompli la Loi à notre place. Dieu ne se préoccupe donc plus de nous voir l'accomplir. Dieu se préoccupe de ce que nous recevions son amour.
    Dieu change de rôle. Il n'a plus envie d'être face à nous comme un expert qui nous fait passer un examen. Il se présente comme un père qui vient voir ses enfants. Il reçoit ce que nous faisons comme un père aimant. Cela change tout pour nous. Cela change notre façon de travailler et d'agir.
    Imaginez que vous aimez bricoler ou jardiner ou cuisiner. Allez-vous agir de la même manière si ce que vous faites vous allez le présenter à vos amis ou si vous devez le présenter à un examinateur, pour un examen qui va déterminer tout votre avenir ? Cela change tout.
    Calvin nous dit : abandonnez l'idée que Dieu vous fait continuellement passer un examen pour savoir si vous êtes à la hauteur. Non, changez de regard, Dieu est vis-à-vis de vous comme un père vis-à-vis de ses enfants.
    Ainsi, je cite, "il nous faut être semblables aux enfants, ne doutant point que notre Père très bon et si débonnaire [gentil] n'ait nos services pour agréables, bien qu'ils soient imparfaits" (IRC* III, 19, 5). Ne doutons plus que Dieu considère nos actions comme agréables, même si elles sont imparfaites.
    Nous sommes donc libérés du stress de l'examen à passer, du concours à réussir. Ce que nous faisons, nous le faisons sous le regard bienveillant de Dieu. Nous ne le faisons plus pour passer une barre placée trop haut. Fini l'esclavage de la perfection et de la réussite. Que d'énergie libérée. Que de stress éliminé si nous prenons cela au sérieux.
    Tout ce que nous faisons, dans la vie, nous pouvons désormais le faire d'une manière plus paisible : notre vie n'est pas en jeu, notre identité n'est pas en jeu, notre considération, l'amour des autres pour nous n'est pas en jeu.
    En déconnectant notre agir, notre travail du lien avec le salut, la réussite de notre vie, Calvin dédramatise tout notre agir, et en même temps, il lui donne un nouveau sens, une nouvelle direction. Ce que nous faisons, ce n'est plus pour gagner le ciel ou le manquer (dédramatisation), c'est pour produire quelque chose, c'est pour nous occuper, c'est pour répondre à nos élans de créativité, c'est pour rendre service à la communauté, etc…
    Le travail, le métier prend un nouveau sens. Chacun peut contribuer au bien social, au bien commun. Et Calvin croit en l'idée de progrès, progrès moral et progrès social. Il a beaucoup lutté à Genève, pour que les réfugiés huguenots venant de France puissent trouver des places de travail et produire des choses utiles à la société.
    A partir de là, Calvin développe l'idée que chacun a des talents qu'il peut mettre au service de la société ("Dieu a doué chacun de dons naturels" CNT** Mt 25:15). Chacun doit découvrir la vocation que Dieu a pour lui et mettre ce talent en œuvre, pour le bien de tous ("Christ prononce que le labeur de ceux qui s'exerceront fidèlement en leur vocation, ne sera point vain ou inutile" CNT. Mt 25:20). Le travail est valorisé, non pas pour obtenir le salut, mais comme réponse aux dons qui viennent de Dieu. Une autre idée, qui en découle, est celle de responsabilité. Chacun devra répondre de l'usage de sa vie, de sa vocation, de l'usage de son talent ("chacun rendra compte pour soi" CNT Lc 19:13).
    La sanctification de l'être humain passe par le service que chacun peut réaliser dans son travail, dans ses tâches quotidiennes. L'établi, le bureau ou l'évier de la cuisine peuvent devenir des lieux saints où l'on accomplit sa vocation de service. La vie civile, la société civile, la maison comme la rue, deviennent des lieux de sanctification.
    La vie familiale, la vie professionnelle, les loisirs deviennent des temps où l'on vit la présence bienfaisante de Dieu, où l'on exprime sa reconnaissance et le plaisir de vivre, réaliser, construire le Royaume de Dieu.
    En nous libérant du souci de nous justifier, le Christ, pense Calvin, nous libère pour servir la société et nous réaliser dans tous les gestes de la vie quotidienne. Toute notre vie prend sens et devient passionnante.
    Amen

    * IRC III, 19, 5 = Jean Calvin, Institution de la Religion Chrétienne, livre III, chap. 19, § 5.
    ** CNT Mt 25:15 = Jean Calvin, Commentaire sur le Nouveau Testament, Evangile de Matthieu 25:15
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !

    Romains 8

    5.7.2009
    Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !
    Rm 8 : 14-16 + 31-33    Mat 18 : 23-27

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pendant cet été — ma collègue pendant le mois d'août et moi-même pendant ce mois de juillet — nous allons essayer de vous ouvrir quelques fenêtres sur la pensée de Calvin, dont c'est le 500e anniversaire de la naissance. Calvin, grand réformateur d'origine française, qui prend la suite de Luther, développe ses idées principalement dans la ville de Genève. Calvin, c'est l'irruption d'une nouveauté dans un moyen-âge finissant, en bout de course, c'est un dynamisme introduit dans cette Renaissance qu'est le XVIe siècle.
    Calvin introduit un nouveau langage, il simplifie et vivifie la langue française; il expose une nouvelle vision de Dieu et donc une nouvelle place pour l'être humain; il ouvre à une nouvelle espérance et une nouvelle liberté.
    Essayons de nous replacer un peu dans son époque. La vie quotidienne est très dure. La mortalité, pour cause de maladie ou de violence est considérable. Le message de l'Eglise dominante, dans ces circonstances, est de dire : "obtenez les bonnes grâces de Dieu en entrant au couvent, sinon vous devrez gagner vos mérites au purgatoire, si vous avez la chance de ne pas aller en enfer."
    Luther avait attaqué ce système en dénonçant les indulgences, ce système de rachat à l'Eglise d'années de purgatoire, contre monnaie sonnante et trébuchante.
    Calvin emboîte le pas en affirmant que l'être humain est incapable de faire le bien, dans le sens, non pas qu'il est incapable de faire une bonne action, mais dans le sens qu'il est incapable de faire le bien en continu, de manière permanente, de sorte qu'il puisse paraître innocent devant Dieu à la fin de sa vie.
    Il nous est impossible de faire un parcours sans faute, ou de penser pouvoir rattraper nos fautes, les compenser. Notre dette à l'égard du bien et du juste est immense et nous n'avons aucun espoir de pouvoir la rembourser. Ainsi Calvin nous dit, dans un premier temps : "Cesse de te justifier, c'est parfaitement inutile. Tout est perdu. Personne ne peut se dire juste devant Dieu !" C'est bien pire que le système du purgatoire, là au moins, on pouvait espérer s'en sortir.
    Mais Calvin ne s'arrête pas à ce "Tout est perdu." Tout est perdu pour les efforts humains certes, mais c'est sans compter sur Dieu lui-même. Calvin voit Dieu comme un père aimant qui procure à l'être humain ce dont il a besoin pour vivre, c'est la Providence. Il est un père aimant, Calvin, dit "miséricordieux." Et Calvin ajoute : c'est Dieu qui choisit de prendre notre destin en main, c'est lui qui — par grâce — nous justifie.
    Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que ce qui est impossible aux êtres humains, c'est Dieu qui l'accomplit. Nous sommes incapables de rembourser notre dette : il l'efface (Mt 18:27). Nos fautes nous envoient en prison : il paie la caution pour nous en faire sortir. Tout nous condamne, "c'est Dieu qui nous déclare : non-coupables !" (Rm 8:33), comme le dit l'apôtre Paul.
    Calvin appelle cela la "justification par grâce." Dieu lui-même nous acquitte, de son propre chef, sans contre partie. Cela ne vient pas de nous, cela ne vient pas de ce que nous serions meilleurs que d'autres, que nous aurions fait plus d'efforts. Non, il le fait gratuitement.
    Calvin insiste sur le fait que Dieu est un Père pour nous, que nous avons une relation filiale avec lui. Je pense que la  "justification par grâce" a son équivalent dans notre vocabulaire avec les termes : "amour inconditionnel."
    Nous essayons, comme parents, d'avoir un amour inconditionnel pour nos enfants. Nous essayons, dans nos comportements, dans notre éducation, de donner à nos enfants de l'amour en continu, un amour stable. Un amour qui ne fluctue pas en fonction de leur bon comportement ou de leurs bêtises, un amour qui ne dépende pas de leur réussite ou de leurs échecs. Ce n'est pas toujours facile ! Lorsque cela va mal, nous essayons de mettre les compteurs à zéro, de repartir d'un bon pied, pardonnant, effaçant l'ardoise, rassurant notre enfant que notre amour demeure.
    Le vrai amour n'est-il pas lié à la personne plutôt qu'à chacune de ses actions ? Le vrai amour n'est-il pas lié à l'être de la personne plutôt qu'à ses réussites ou à ses échecs ?
    L'amour est un lien, un attachement à l'être. C'est sûr, l'amour n'évite pas la tristesse de la déception, ou la réprobation face à tel comportement ou à telle action. L'amour ne renonce pas à l'exigence du respect de la loi comme norme de justice et limite de nos actions. Effacer la dette ne signifie pas renoncer à la justice et à la loi.
    L'amour inconditionnel donne à l'enfant une sécurité pour grandir, pour faire ses essais, ses erreurs et la correction de ses erreurs, ses fautes et le regret de ses fautes. L'amour inconditionnel donne un cadre pour progresser et Calvin croit à la capacité de s'améliorer, il n'est pas pessimiste vis-à-vis de l'être humain.
    Ainsi Calvin pose, comme base de la Réforme, la conviction que Dieu a pour chaque être humain un amour inconditionnel — comme un père — un amour qui donne à chaque être humain une assurance qu'il peut se lancer dans la vie avec une garantie de sa valeur.
    Calvin nous dit donc "Cesse de te justifier ! C'est Dieu lui-même qui te donne et t'assure ta valeur, ton être. Tu n'as rien à faire pour prouver à Dieu, aux autres ou à toi-même que tu es quelqu'un, que tu es digne, que tu as de la valeur. Cesse de t'inquiéter, cesse de te justifier, cesse de te préoccuper de te faire valoir."
    Cela a des conséquences énormes sur notre vie ! Toute l'énergie que chacun mettait —au XVIe siècle — à essayer de faire son salut, toute cette énergie devient disponible pour autre chose. Toute l'énergie que nous mettons aujourd'hui pour répondre aux exigences de réussite sociale, pour satisfaire à son patron, à son conjoint ou à ses parents, pour arriver à la hauteur fixée, pour prouver, à soi et aux autres qu'on vaut quelque chose, toute cette énergie peut être utilisée à autre chose si nous faisons confiance que notre être a déjà sa valeur assurée en Dieu.  Nous reparlerons de cette énergie libérée dimanche prochain.
    Aujourd'hui, laissons descendre en nous cette certitude : Dieu nous aime de manière inconditionnelle, nous n'avons rien à prouver à personne, nous n'avons plus besoin de nous justifier, notre être, notre valeur est garantie par Dieu lui-même.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 13. Un mot d'ordre qui a changé le monde !

    Jean 13

    21.6.2009
    Un mot d'ordre qui a changé le monde !
    Jn 13 : 34-35    Ga 3 : 27-29

    "Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres !" dit Jésus.
    Pour nous, ce commandement n'a rien de nouveau, et je pense que tous, vous qui êtes-là ce matin, le connaissez depuis bien longtemps. Ce commandement n'a plus rien de nouveau pour nous aujourd'hui, il apparaît plutôt comme une rengaine trop souvent répétée.
    Dans notre monde, dans la situation actuelle, on nous dit qu'il s'agit plutôt de se battre et d'être compétitif si l'on veut survivre ! Mais cela suppose que Jésus ait demandé — à travers ces mots et sa vie — d'être simplement gentils les uns avec les autres. Non ! Jésus propose autre chose ! Il propose de changer le monde, et en fait, il l'a changé — en grande partie — et nous allons voir comment.
    Oui, ces paroles : "Aimez-vous les uns les autres !" ont changé le monde depuis l'Antiquité jusqu'à nous. Essayons de nous représenter ce qu'était le monde antique, autour de Jésus et dans l'Empire romain. Les relations humaines étaient fondées sur l'appartenance au groupe et sur une certaine ségrégation. Les citoyens romains étaient jugés selon la loi romaine — à laquelle l'apôtre Paul fera appel lorsqu'il sera arrêté. Les juifs n'avaient pas le droit — selon leur religion, au risque de devenir impurs — d'entrer dans la maison d'un romain ou de manger avec lui (Ac 10:28).
    Jésus a fait tomber ces barrières et les chrétiens ont formé des Eglises qui réunissaient juifs et païens. Aujourd'hui, nous n'aurions pas idée de refuser de manger avec quelqu'un parce qu'il est d'une religion ou d'un pays différent.
    Dans l'Antiquité, il y avait une hiérarchie entre hommes et femmes, des rôles bien déterminés. Les femmes étaient dépendantes des hommes, d'abord du père, puis du mari, puis du frère ou du fils. Le christianisme a donné une nouvelle place à la femme, même si — il faut le reconnaître — l'institution de l'Eglise est vite devenue une affaire d'hommes qui ont, à nouveau, exclu les femmes.
    Le mot d'ordre de Jésus : "Aimez-vous les uns les autres !" a souvent passé par d'autres canaux, dans la société, pour que cette égalité — pas encore parfaite — devienne la norme aujourd'hui (en tout cas dans l'idéal).
    Ce commandement a également bouleversé les relations de travail en remettant fondamentalement en cause la pratique de l'esclavage : si nous sommes tous égaux devant Dieu, comment peut-on exploiter des esclaves ?  L'esclavage de l'Empire romain a finalement été aboli par la force du christianisme, même s'il y a eu des rechutes avec l'esclavage des noirs. De nouveau-là, le commandement nouveau a repris le dessus et l'esclavage a été aboli, puis les droits des noirs américains restitués grâce à l'action du pasteur Martin Luther King.
    Tout cela a pris du temps et des chemins qui passent tantôt par l'Eglise : la mise en place des hospices pour recueillir les malades et les démunis, tantôt par la société civile : la déclaration des Droits Humains. Mais le commandement garde sa nouveauté et sa force de changement : le changement des rapports humains, des relations humaines.
    Savez-vous qu'entre l'Antiquité et aujourd'hui, la violence physique — les blessures et les meurtres — a diminué de cent à un ! Même s'il y a encore quelques irréductibles, nous réglons nos conflits par le dialogue, plutôt que par la violence. Même si ce dialogue passe parfois par les tribunaux, c'est une façon non-violente de résoudre un différend. C'est une application pratique du commandement de Jésus.
    Jésus a demandé à ses disciples de suivre son mot d'ordre comme signe pour tous les humains de quelque chose de nouveau pour le monde, comme un signe de ralliement de tous ceux qui croient, signe qu'il est possible de changer les rapports humains, de faire diminuer la violence, de faire augmenter le respect mutuel.
    Et ça a marché ! Pas parfaitement évidemment. Le monde n'est pas le paradis, la violence, bien que diminuée, est encore présente; l'inégalité, bien que diminuée, est encore présente; les rapports de force, bien que diminués, sont encore présents; les ségrégations, bien que diminuées, sont encore présentes. Cela dit le chemin parcouru — et pour lequel nous pouvons être reconnaissants, mais cela dit aussi le chemin qu'il reste à parcourir, le travail qu'il faut continuer à faire.
    Le mot d'ordre de Jésus reste d'actualité, il garde sa force de changement, pourvu qu'il y ait des gens pour en reconnaître la valeur, pour le transmettre, pour le mettre en pratique.
    Je vois deux domaines particuliers — chez nous — où nous avons beaucoup à progresser : dans la famille, d'abord, dans la communication dans le couple et avec les enfants. Il y a trop de divorces et d'enfants qui en souffrent. Pas parce que le divorce serait en soi immoral, mais parce qu'il fait souffrir et le couple et les enfants. Si nous apprenions à mieux communiquer — dès le début — dans le couple, nous nous éviterions beaucoup de souffrances.
    L'autre domaine qui mine notre société est la solitude. Et là, je salue le travail de votre Honorable Abbaye. En rassemblant notre village pour une fête, vous créez du lien — comme on dit. Vous permettez aux gens de se rencontrer, en vrai, pas en virtuel. Alors qu'en général, par peur de déranger, on s'enferme dans la solitude et dans l'ennui.
    En nous donnant ce "commandement nouveau," Jésus nous rappelle que les rapports humains peuvent changer, que le malheur n'est pas une fatalité, que les conflits peuvent se résoudre dans le dialogue, que la solitude se dissout dans la communion. Vivons ces relations renouvelées et que la fête soit belle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Nombres 13. Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.

    Nombres 13

    14.6.2009
    Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.
    Nb 13 : 1-3, 17-24    Nb 13 : 25-33 — 14 : 1-9    Mt 7 : 7-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles,
    Le peuple d'Israël se trouve à une frontière, faut-il avancer ou faire demi-tour ?
    Souvenez-vous, le peuple d'Israël est sorti de son esclavage en Egypte, il a échappé à la tyrannie du Pharaon, traversé la Mer des Roseaux et l'armée de Pharaon a été engloutie par les eaux. Le peuple d'Israël a traversé la péninsule du Sinaï où il a rencontré Dieu et reçu les Tables de la Loi. Le peuple d'Israël est libre, il est en route vers la Terre promise, il est à bout touchant : la Terre promise est devant eux. Vont-ils y entrer ?
    Des explorateurs ont été envoyés en reconnaissance, ils sont douze, un explorateur par tribu d'Israël. Ils reviennent avec des nouvelles, des nouvelles contrastées. "C'est un pays où coulent le lait et le miel" (Nb 13:27), ils y ont trouvé des fruits en abondance. Mais c'est une région habitée par des géants (Nb 13:33), les villes sont fortifiées, tout cela paraît bien risqué !
    Maintenant, quittons la géographie et l'histoire et faisons une lecture symbolique de cet épisode. Je crois que ce récit dépeint beaucoup de nos situations de vie, où nous nous sentons devant un avenir inconnu.
    •    Le petit enfant qui craint d'être séparé un jour de ses parents.
    •    L'enfant qui s'interroge sur sa capacité à grandir, à être à la hauteur du "plus grand" qu'il va devenir.
    •    L'adolescent qui se demande comment il va fais son entrée dans la vie active, indépendante.
    •    L'adulte qui se demande comment il va s'adapter à son nouveau travail, à une nouvelle entreprise.
    •    Les parents qui se demandent comment vont grandir leurs enfants.
    •    Les adultes qui s'interrogent sur le passage à la retraite ou leur entrée dans la vieillesse et, quand l'âge nous rattrape, que faire si je deviens dépendant, si je dois entrer en EMS ?
    A tout âge, on peut se trouver devant une frontière et se demander, vais-je avancer ou faire demi-tour. Remarquons que le récit nous dit que le demi-tour est un retour en arrière, vers la mort.
    Le futur — comme inconnu — est toujours ambivalent, en même temps "pays où coulent le lait et le miel" et pays "habité par des géants" face auxquels je me sens comme un microbe (l'hébreu dit "sauterelles", la traduction en français courant dit "fourmis").
    Que croire ? Que penser ? Quelle est la réalité, la réalité vraie, comme on dit ?
    Un phénomène bien vu dans le texte est ce jeu entre géants et microbes. Dans une situation inconnue, je me sens dé-sécurisé, je me sens tout petit et les autres me paraissent géants, compétents, assurés, tout ce qu'on veut, en contraste de moi. Et nous projetons notre propre perception sur les autres. "Nous nous sentions comme des fourmis, et c'est bien l'impression qu'ils devaient avoir de nous !" (Nb 13:33).
    Nous ne savons pas ce qu'ils pensent, mais nous projetons notre vision des choses dans leur cerveau. Une bonne façon d'augmenter notre peur ! Mais comment l'éviter ? Quels sont les ingrédients de la peur ? Quels sont les ingrédients pour franchir le pas et aller de l'avant ?
    Le récit nous présente un affrontement entre ceux qui veulent faire demi-tour et ceux qui veulent entrer en Terre promise. On peut voir comment ils argumentent :
    Les ingrédients du refus sont :
    - de gommer les éléments positifs,
    - d'augmenter — même faussement — l'attrait du présent ou du passé (argument du bon vieux temps),
    - accentuer les éléments négatifs de l'avenir,
    - projeter ses propres sentiments sur les autres,
    - avoir une faible estime de soi (se voir comme des microbes),
    - entretenir sa peur des autres (les voir comme des géants).
    Quels ingrédients sont-ils avancés pour faire le pas et accueillir l'avenir ?
    - considérer les éléments positifs (l'abondance dans le pays),
    - faire confiance dans le plan de Dieu (si Dieu le veut, alors cela se réalisera !),
    - avoir confiance en soi-même, cela fait baisser la peur des autres,
    - croire au soutien, à l'accompagnement de Dieu : nous ne serons pas seuls sur le chemin de l'avenir.
    Entre ces deux positions, quelles voix écouter ? Comment faire son choix ? Qu'est-ce qui fait la différence ? La différence entre l'attitude de refus d'avancer et celle de franchir le pas est une différence de vision du monde, d'interprétation de la réalité. Le monde, l'avenir, la Terre promise comportent deux réalités, l'abondance et le danger — on ne peut gommer ni l'une ni l'autre — mais c'est nous qui rencontrerons plutôt l'une ou plutôt l'autre selon notre attente !
    Nous décidons si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Selon que nous choisissons d'avancer avec confiance ou de reculer avec peur, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de croire en la promesse d'un avenir ouvert et riche. Selon que nous croyons en la promesse d'être accompagné sur le chemin et soutenu pour traverser les épreuves et les difficultés, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de nous croire abandonnés ou seuls, nous modelons notre vie.
    Quelle voix voulons-nous faire entendre à nos enfants : la voix de la peur ou du repli, ou celle de la confiance, celle de l'assurance d'une promesse de vie riche et pleine — ce qui ne veut pas dire dépourvue de difficultés — celle d'être accompagnés et soutenus au long du chemin ?
    La Bible, l'Evangile nous répètent que Dieu nous accompagne dans toutes les étapes de notre vie, qu'il nous soutient. Nous ne sommes pas seuls, abandonnés. Nous ne sommes pas des microbes face à des géants. Nous sommes simplement des humains qui pouvons avancer — sans crainte — faisant confiance en Dieu qui nous guide, qui nous soutient, qui nous accompagne de sa bonté. Un Dieu dans lequel nous pouvons mettre notre confiance, sur lequel nous pouvons nous appuyer pour asseoir notre estime de nous-mêmes.
    Nous croyons en un Dieu avec lequel avancer et affronter sereinement l'avenir. Voilà une base solide pour construire notre vie et éduquer nos enfants. 
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz

  • Luc 12. Allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.

    Luc 12

    31.5.2009
    Allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.
    Gn 2 : 4b-8    Ac 2 : 1-4    Lc 12 : 49-50

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles,
    La Pentecôte marque dans le parcours des Evangiles un aboutissement. Après le départ de Jésus — à l'Ascension — les disciples reçoivent l'Esprit de Dieu pour être, en eux, la présence de Jésus pour les guider dans leur nouvelle vie.
    Mais la Pentecôte n'est pas seulement — même si c'est déjà beaucoup — un événement pour les disciples, pour les croyants, pour les chrétiens. Je crois que la Pentecôte est l'aboutissement, l'achèvement, l'accomplissement de l'œuvre créatrice de Dieu. La Pentecôte est l'achèvement de la création voulue par Dieu, pas seulement pour les croyants, mais pour tous les humains, pour toute l'humanité. La création n'est pas un projet pour les seuls croyants, mais l'aventure dans laquelle est embarquée toute l'humanité et toute la terre.
    L'être humain ne naît pas achevé, accompli. L'être humain vient à la vie, tout petit, dépendant, vulnérable, mais en même temps avec un infini de possibilités. L'être humain est un être en développement, en devenir, et le temps de notre existence nous est donné pour accomplir notre développement, notre vocation.
    La Bible en parle en images à décrypter, elle nous signale des étapes, des passages, des perspectives. Dans un des récits de création, on entend que Dieu fait l'être humain — Adam — à partir de la terre en façonnant de la poussière, puis en lui insufflant l'haleine de vie (Gn 2:7).
    (1) Premier élément : la terre, ce qui fait que nous sommes des terriens, des êtres liés à notre planète. Nous avons un corps, nous sommes un corps et notre société insiste beaucoup pour que nous nous occupions de cette partie de nous-mêmes ! Il faut se nourrir et bien. Il faut l'entretenir (sport), il faut l'embellir (il y a quantité de produit qu'on veut nous vendre pour cela), il faut le soigner, le satisfaire, etc… Mais nous ne sommes pas que de la chair.
    (2) Nous sommes animés par cette haleine de vie que Dieu nous a insufflé. On pourrait dire que ce sont nos émotions qui nous font nous sentir vivants : la joie et la tristesse, la peur ou la colère, l'envie ou la satisfaction. Cela nous anime, cela nous meut, parfois cela nous déborde et nous nous laissons emporter,
    (3) Mais la vie ne s'arrête pas là non plus. Dieu nous appelle à ne pas en rester là, au corps et aux émotions; il nous appelle à tisser des relations, à développer des liens, à faire circuler l'affection et l'amour. Nous découvrons là une nouvelle dimension, marquée autant par le beau et le bien que par l'échec et le mal. Autant on se sent bien lorsqu'on est aimé, autant la souffrance nous assaille lorsqu'une parole nous blesse et met en cause l'affection éprouvée.
    La Bible en parle en termes d'eau. L'eau de la source ou du puits qui donne la vie, rafraîchit ou purifie. L'eau du baptême qui efface toute vie ancienne pour permettre un recommencement dans nos relations. L'eau de la Mer Rouge traversée pour sortir de l'esclavage et inaugurer une nouvelle liberté. L'eau du Jourdain, franchie pour quitter le désert et entrer dans la terre promise.
    Nous avons, dans nos vies, à franchir des étapes, à quitter des états pour de nouveaux horizons, nous avons à dépasser des sentiments négatifs pour entrer dans de nouvelles relations. Une vie nouvelle pour des relations nouvelles. Dieu nous offre la possibilité, à tout moment, de puiser à la source de la vie pour devenir ressources pour d'autres. Dans ces passages, nous recevons un nouveau souffle.
    (4) Mais la Bible nous parle encore d'une étape supplémentaire : le feu. Vous avez entendu cette phrase énigmatique de Jésus : "Je suis venu apporter le feu sur la terre et combien je voudrais qu'il soit déjà allumé !" (Luc 12:49).
    Phrase énigmatique, parce qu'on associe le feu avec la destruction, avec la colère de Dieu, avec le jugement ou la vengeance, il n'y a qu'à penser à Sodome et Gomorrhe. Or nous avons de Jésus l'image de quelqu'un apportant la paix, le calme, la sérénité et un amour que nous confondons trop souvent avec la simple gentillesse.
    Dans la Bible, le feu est souvent associé à la violence ou au jugement, c'est vrai, mais pas seulement. Il est aussi le lieu de la révélation de la présence divine. Pensez au buisson ardent que découvre Moïse dans le désert (Ex 3:2). En regardant un feu on voit les étincelles et la fumée s'élever dans les airs. Le feu est ce qui élève l'âme vers Dieu, ce qui éclaire, illumine notre esprit. Il donne de l'ardeur, il embrase et là l'image débouche sur un amour dévorant, sur un amour communicatif, contagieux, qui transforme tout ce qu'il touche.
    En donnant sa vie pour nous sur la croix, Jésus a allumé le feu de l'amour, du don de soi. Le feu, les flammes que reçoivent les disciples à la Pentecôte sont un second baptême, une révélation de cet amour contagieux que nous communique le Christ.
    Comme dernière étape, Dieu nous appelle à une élévation nouvelle dans nos relations. Il ne s'agit pas seulement d'avoir de bonnes relations avec les autres, d'être en bonne entente et de pouvoir co-habiter tous ensemble sur cette même planète. Il s'agit de construire un monde plus pacifique, plus accueillant pour tous.
    Comme le feu, c'est un jugement sur la violence de ce monde, sur tous ses disfonctionnements et tous les égoïsmes rassemblés. C'est un feu qui plaide pour la destruction du mal, mais par le don de soi, pas par la destruction de l'autre. Jésus allume un feu sur la terre, mais un feu d'amour, une passion dirigée vers la vie, vers le soutien et le développement, vers la justice et la paix. Une passion qui combat toujours dans le plus grand respect de l'autre.
    Le Christ sur la croix nous a montré la voie : à nous d'allumer le feu de l'amour pour remplacer le monde ancien par un monde nouveau.
    Avec l'air et la terre, nous sommes des habitants de cette terre. Avec l'eau, nous puisons à la vie de Dieu et nous devenons des ressources de vie pour ceux qui nous entourent. Avec le feu de l'amour, nous accomplissons dans notre existence la finalité de la création voulue par Dieu.
    Dieu souhaite que nous soyons des feux qui éclairent, qui réchauffent, qui transmettent la chaleur de l'amour, de son amour infini autour de nous. Voilà ce que nous recevons à la Pentecôte, voilà ce à quoi nous sommes appelés, voilà notre vocation.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Actes 1. Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.

    Actes 1    21.5.2009
    Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.
    Luc 24 : 41b-53    Ac 1 : 1-4

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers JP,
    Nous avons entendu le récit de l'Ascension tel que nous le raconte l'Evangéliste Luc, à la fin de son Evangile et au début du livre des Actes. Luc a fait de l'Ascension l'élément charnière entre ses deux livres, le récit de la vie de Jésus et le récit de la vie de l'Eglise commençante.
    Luc est un écrivain doué qui sait mettre en scène les personnages et les événements pour faire ressortir le sens et les perspectives théologiques. Dans le récit de l'Ascension, Luc reprend une affirmation de foi des apôtres et témoins du Christ : "le Christ a été élevé au-dessus de tout (Ph 2:9), il a été glorifié (Jn 12:23) et il est maintenant assis à la droite de Dieu (Luc 22:69)" et il la met en récit visuel, devant les yeux des disciples.
    Il nous montre en quelque sorte Jésus rejoindre le monde de Dieu, représenté par le ciel et la nuée. Il nous rend visible, compréhensible, une vérité théologique. Mais plus important que de voir cela, c'est de comprendre le sens de cet événement. En plaçant l'Ascension à la charnière de l'Evangile et des Actes, Luc nous transmet plusieurs messages.
    Dans l'Evangile, l'épisode entourant l'Ascension est raconté comme une scène d'adieu. Jésus se sépare de ses disciples, il les enseigne une dernière fois, il leur ouvre l'intelligence pour qu'ils comprennent les Ecritures; il leur promet l'Esprit saint; il les bénit et s'en va. Jésus est actif et les disciples sont passifs, ils reçoivent l'enseignement, la promesse et la bénédiction. Et si l'on devait mettre en film la dernière image des disciples louant Dieu dans le Temple, on pourrait en faire une vue aérienne, comme si Jésus regardait ses disciples depuis le ciel.
    Dans le livre des Actes, Luc change la perspective (je vous avais dit que Luc était un écrivain doué). Luc commence par faire un petit résumé qui reprend — avec d'autres mots — les événements qui terminent l'Evangile, rappelant le temps (40 jours) entre la Résurrection et l'Ascension.
    Luc expose que le temps de Jésus était celui du baptême d'eau et que vient le temps du baptême de l'Esprit qui viendra "dans peu de jours" (à la Pentecôte) (Ac 1:5). Ensuite, les disciples questionnent Jésus sur l'établissement du Royaume d'Israël, qu'ils confondent encore avec le Royaume de Dieu dont parle Jésus. Alors Jésus les investit de leur mission : être témoin à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre (Ac 1:8). Après cela, Jésus est élevé et caché aux yeux des disciples. En cinéma, ce serait une vue du sol vers le ciel.
    Dans cette scène on a vu des disciples actifs à questionner Jésus et investis d'une mission et un départ vu du point de vue de ceux qui restent.
    Voilà, Jésus est parti ! Qu'en penser et que faire ?
    Ce départ, cette ascension est bien différente du départ que les disciples ont déjà vécus lors de la mort de Jésus sur la croix. Ce départ n'est pas un abandon, une séparation douloureuse. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu des instructions. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une mission. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une promesse.
    Les disciples vont recevoir l'Esprit saint, qui est la nouvelle forme de présence de Jésus, de Dieu en nous. Les disciples ont reçu une mission : ce sont eux, c'est nous qui sommes à présent les relais de la présence de Jésus. Nous sommes les témoins du message de Jésus. L'absence de Jésus "comme avant" est remplacée par une nouvelle forme de présence, par l'Esprit saint et par la communauté.
    « En s'effaçant du monde, le Ressuscité ouvre un espace dans lequel la communauté des croyants concrétisera la présence cachée du Christ »* Jésus passe le relais. Nous sommes ses témoins. Et ce message est destiné à la terre entière ! Comme un caillou qu'on jette dans l'eau fait des vagues concentriques qui s'étendent à toute la surface de l'eau, le message de Jésus est destiné à la terre entière et nous en sommes les messagers aujourd'hui.
    Les disciples ont apporté le message de Jésus dans tout l'empire romain, à travers le réseau de synagogues qui s'étendait dans tout l'empire. Le message a traversé les siècles, deux millénaires, jusqu'à nous. Une chaîne ininterrompue de témoins va des premiers disciples jusqu'à nous.
    Nous avons la responsabilité d'être à notre tour les témoins de Jésus auprès des humains de notre temps. Quelques jeunes de notre paroisse vivent ce culte avec nous avant de partir pour Taizé, y passer quatre jours.
    Vous les JP (jeunes paroissiens), vous avez reçu notre témoignage, vous avez reçu le Christ en vous et vous recevez aussi — comme cette communauté paroissiale toute entière — cette mission de témoigner du Christ et de sa vie.
    Les disciples se réunissaient pour prier dans une maison de Jérusalem, pour se ressourcer et prendre des forces pour se préparer à évangéliser la terre. Ils étaient onze disciples avec quelques autres personnes, des hommes et des femmes, comme vous êtes onze JP ce matin, avec quelques hommes et femmes de notre paroisse pour prier et louer Dieu.
    Nous allons aller nous ressourcer à Taizé pour que la Parole et l'Esprit de Jésus nous habitent et que nous puissions témoigner de cette vie en nous. Nous avons besoin de la prière et du soutien de toute la communauté de l'Eglise pour que l'Evangile — la bonne nouvelle — de Jésus continue d'être annoncée et vécue dans notre paroisse, dans notre pays et dans le monde.
    Le départ de Jésus à l'Ascension n'est pas un abandon, n'est pas un affaiblissement, il est le transfert de la responsabilité de la mission à tous les croyants. Assumons avec joie cette responsabilité, Jésus nous en promet la force par son Esprit.  
    Amen
    * Daniel Marguerat, Les Actes des Apôtres (1—12), Commentaires du Nouveau Testament, Labor et Fides, Genève, 2007, p. 51
    © Jean-Marie Thévoz, 2009